ALPATOUS dans l’Ain
Depuis 2023, le projet ALPATOUS qui lutte contre les difficultés de coexistence entre le loup et le pastoralisme, porté par le réseau France Nature Environnement de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur depuis 2021, s’étend à la région Auvergne-Rhône-Alpes, et plus particulièrement dans le département de l’Ain.
Les enjeux du territoire
Le retour naturel du loup en France ces dernières années apporte de nouvelles tensions chez les différents acteurs économiques autour de l’élevage en montagne. En tant que grand prédateur, le loup favorise la diversité biologique dans les territoires qu’il colonise. Cependant, par son régime alimentaire carnivore, le canidé s’attaque parfois à des troupeaux d’ovins, de bovins et parfois d’équins et caprins, au sein desquels il peut faire de nombreuses victimes.
Le département de l’Ain et le massif du Jura, représentent un front de colonisation important des populations lupines. Depuis plusieurs décennies déjà, les activités pastorales du département ont appris à cohabiter avec le lynx, un autre grand prédateur des zones montagneuses. Certain.e.s éleveurs.euses ont alors eu recours à l’utilisation, ancestrale, de chiens de protection, surnommés « patous ». Mais pour faire face aujourd’hui à la présence croissante du loup, cette pratique est amenée à se répandre sur le territoire.
L’objectif d’ALPATOUS
Mentionnés dans les écrits depuis le XIVème siècle, ces chiens sont appréciés pour leur rôle de protection, en particulier des troupeaux. Ils sont éduqués non pas pour l’attaque, mais pour la dissuasion, et ont été sélectionnés pour leur corpulence et leurs aboiements tenant éloignés les prédateurs comme le loup ou le lynx. Aujourd’hui, si leur utilité n’est plus à démontrer, pour diverses raisons les chiens de protection complexifient également la pratique pastorale.
Le projet ALPATOUS puise sa force dans la création d’un réseau de bénévoles engagés dans la sensibilisation du grand public sur les chiens de protection des troupeaux et particulièrement sur les bons comportements à adopter face à eux en montagne.
Chaque année dans les Alpes, le réseau FNE organise des formations, gratuites, de deux jours avant le début des montées en alpages. Cette année, elle a eu lieu au mois de mars dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, et les 7 et 8 juin derniers dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, encadrée par FNE Ain. L’association fait appel à des professionnels des divers milieux concernés pour proposer des interventions complètes sur la biologie du loup, son importance environnementale, sur le pastoralisme et son mode de fonctionnement ainsi que sur les chiens de protection et les comportements à transmettre. Le mot d’ordre de la formation est « cohabitation », ou « coexistence », entre les différents acteurs du territoire alpin et le loup. L’objectif principal est quant à lui la réduction des conflits liés à l’utilisation des chiens de protection, grâce à de la sensibilisation sur le terrain, directement auprès des usages de la montagne (randonneurs.euses, VTTistes, traileurs.euses, etc.).
La formation dans l’Ain
FNE Ain a donc organisé une formation des bénévoles ALPATOUS au début du mois de juin, à Haut-Valromey, petite commune rurale au cœur du massif jurassien, à laquelle une dizaine de personnes ont participé. La formation a été gracieusement accueillie dans la bergerie « Au rythme du troupeau », appartenant à Pierre Blondieux et Priscilla Ponthieux, éleveurs de 150 brebis et chèvres et producteurs de produits laitiers et de viande en agriculture biologique. Confrontés à la présence du lynx depuis leur installation en 2005, le couple d’éleveurs a fait appel à des chiens de protection pour préserver leur troupeau des prédateurs et d’autres menaces, un lieu ainsi idéal pour la formation des bénévoles.
La première matinée consistait principalement en la partie théorique de la formation. De nombreux intervenants étaient présents pour apporter leurs connaissances et savoir-faire dans le cadre de la formation. Tout d’abord, Justine Poncet et Marjorie Lathuillière, respectivement représentantes de FNE 04 et FNE 01, ont ouvert le bal en exposant le fonctionnement et les objectifs de l’association, notamment dans le contexte du retour du loup dans l’arc alpin.
Le Pôle Grands Prédateurs, représenté par son cofondateur Patrick Raydelet, est ensuite intervenu pour informer sur les grands prédateurs et leur rôle clé dans les écosystèmes naturels. L’APACEFS, ou l’Association des Protections Alternatives pour la Cohabitation de l’Élevage et de la Faune Sauvage, a présenté son activité et ses connaissances aux bénévoles. L’association, installée uniquement dans l’Ain, travaille sur le suivi du loup et du lynx dans le département. Elle représente également une grande force de soutien morale et technique aux éleveurs du territoire face aux dégâts qu’ils peuvent subir à cause des grands prédateurs.
L’IDELE était aussi au rendez-vous pour informer plus précisément les bénévoles sur l’élevage, le pastoralisme et la mise en place et le fonctionnement des chiens de protection. Lors de l’intervention, un accent particulier a été mis sur l’investissement conséquent (temps, finances, moral, etc.) des éleveurs, nécessaire pour éduquer les chiens de protection et qu’ils soient capables de remplir correctement leur rôle.
Une fois toutes ces informations acquises, les bénévoles se sont prêtés à plusieurs mises en situation, simulant leurs futures actions sur le terrain face à divers usagers de la montagne. Le but de l’exercice était d’apprendre la meilleure méthode d’approche à adopter et définir un discours le plus concis mais complet possible. Un temps de discussion s’en suivait pour revenir sur l’intervention et évaluer si celle-ci avait été correctement réalisée. Ces entraînements ont permis aux encadrantes de souligner l’importance de se présenter convenablement avant toute intervention et insister sur le fait d’être attentif à son interlocuteur.trice, ses envies et ses éventuels témoignages ou revendications.
Être bénévole, dans le cadre du projet Alpatous, c’est être capable d’apporter des informations aux usagers pour qu’ils puissent réfléchir sur leur mode de fonctionnement et changer, ou non, leurs comportements, tout en étant à leur écoute.
Le second jour était dédié à la présentation de la ferme par Pierre, l’éleveur et berger, et en particulier sur la manière dont celle-ci fonctionne avec les chiens de protection. Au cours de leurs 19 années d’exploitation, ils n’ont eu aucune victime de prédation à déplorer. Si cela ne traduit pas qu’ils n’ont pas été attaqués par des lynx, loups ou des chiens errants, mais qu’aucun animal n’a été atteint. Les deux éleveurs considèrent que cela a été possible grâce à leurs chiens de protection.
Finalement, pour leur faire découvrir davantage son métier, Pierre a emmené le groupe de bénévoles dans les alpages avec son troupeau. Une marche de quelques heures a ainsi permis aux bénévoles d’en apprendre plus sur le pastoralisme et sur les différents paramètres à prendre en compte en tant que berger pour adapter sa pratique au territoire, aux milieux naturels et aux activités humaines. Ce fut ainsi l’occasion d’observer les chiens de protection en action, leur lien avec le troupeau et la manière dont ils s’organisent pour le protéger.
Les partenaires du projet :